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Comprendre les accusations de trafic sexuel qui visent le rappeur Diddy et leurs répercussions aux Etats-Unis

Une star planétaire du rap est sur le banc des accusés et c’est toute une industrie qui tremble. Depuis le 16 septembre, le producteur de musique Sean Combs, dit Diddy ou Puff Daddy, est poursuivi par la justice fédérale de New York pour des faits de trafic sexuel. Dans l’attente de son procès, le musicien, producteur, entrepreneur et philanthrope multimillionnaire est placé sous surveillance antisuicide en prison.
Sean Combs, de son vrai nom, est un influent rappeur et producteur de hip-hop new-yorkais, connu successivement sous les pseudonymes Puff Daddy, Puffy, P. Diddy ou plus simplement Diddy. Né en 1969, il se fraie un chemin dans l’industrie musicale en cofondant en 1993 le label Bad Boy Records, qui lance notamment The Notorious B.I.G., future icône du rap new-yorkais.
Il se lance à son tour dans la chanson en 1997 sous le nom de Puff Daddy, et connaît le succès avec I’ll Be Missing You, titre dédié à The Notorious B.I.G., assassiné la même année. Le rappeur change à plusieurs reprises de surnom, jusqu’à adopter celui de Diddy en 2005. Il remporte au cours de sa carrière trois Grammy Awards et une étoile à son nom gravée, depuis 2008, sur Hollywood Boulevard.
Le musicien et producteur est aussi un homme d’affaires à succès à l’initiative d’une marque de vêtements (Sean John, lancée en 2004), d’une chaîne de télévision (Revolt TV, créée en 2013) ou d’un partenariat avec une marque de vodka produite en France. Le magazine Forbes estime sa fortune à 400 millions de dollars (360 millions d’euros).
Depuis ses débuts, Sean Combs a également été associé à diverses affaires de violence. En 1999, il est impliqué dans une fusillade qui éclate dans une boîte de nuit new-yorkaise où il passe la soirée avec sa compagne de l’époque, l’actrice Jennifer Lopez. Il est inculpé pour possession d’arme à feu et corruption, mais n’est pas condamné.
Le magnat du rap est accusé de trafic sexuel et extorsion, selon l’acte d’inculpation du parquet fédéral de Manhattan. « Pendant des décennies, [il] a abusé, menacé et contraint des femmes à satisfaire ses désirs sexuels, protéger sa réputation et cacher ses actes », est-il écrit dans ce document.
Une dizaine de plaintes pour des faits de violences sexuelles, séquestration sexuelle ou encore proxénétisme s’étaient accumulées ces derniers mois contre le chanteur. Le dossier s’annonce tentaculaire : les faits allégués remontent pour certains au début des années 1990.
Au 26 septembre, dix plaintes pour des faits de violence sexuelle avaient été enregistrées.

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Son ex Cassandra Ventura l’accuse de traffic sexuel et de viol en 2018, et révèle des orgies sexuelles

Le point de départ est la plainte pour viol, violences et trafic sexuel déposée par son ex-compagne pendant dix ans, la chanteuse de RnB Cassandra Ventura. Elle l’accuse de l’avoir forcée à avoir des relations sexuelles filmées avec des prostitués masculins, de l’avoir forcée à boire et se droguer, et de l’avoir violée en 2018, l’année de leur séparation. Elle révèle l’existence des “Freak Offs”, des soirées sexuelles orgiaques de plusieurs heures, voire jours. Les deux partis trouvent un arrangement financier le 17 novembre.
Deux nouvelles plaintes au gong pour des viols dans les années 1990

Dans deux plaintes distinctes déposées juste avant la fin de l’Adult Survivor Act, deux autres femmes accusent à leur tour Puff Daddy de les avoir violées dans les années 1990. La première, Liza Gardner,​ affirme avoir été violée, puis agressée physiquement par le producteur ainsi qu’un autre chanteur, Aaron Hall, alors qu’elle avait 16 ans. 
La seconde, Joie Dickerson-Neal, relate avoir été droguée à son insu, agressée sexuellement, et filmée. Elle a porté plainte pour agression, trafic d’être humain et chantage à la diffusion de vidéo sexuelle.
Une plainte anonyme pour viol sur mineure en 2003

Une femme dépose une plainte pour viol en bande contre le musicien. Selon la plaignante, qui a saisi les tribunaux sous couvert d’anonymat, le musicien et deux acolytes l’ont kidnappée en 2003 alors qu’elle avait 17 ans, véhiculée dans un coffre avec de la drogue et de l’alcool avant d’abuser d’elle dans le studio d’enregistrement du rappeur. 
Son ancien producteur en 2022-2023 décrit un système organisé

L’ancien producteur de Sean Combs sur son album Love, Rodney ‘Lil Rod’ Jones, accuse Puff Daddy de l’avoir agressé sexuellement, drogué et violé. Il affirme également détenir des centaines d’heures d’enregistrement de soirées mêlant drogues, travailleurs du sexe, mineurs et soumission chimique. Il incrimine également deux dirigeants de labels, Lucian Grainge (Universal Music) et Ethiopia Habtemariam (Motortown). 
La top model Crystal McKinney l’accuse d’un viol sous drogue en 2003

La top model Crystal McKinney accuse Sean Combs de l’avoir invité dans son studio, de l’avoir poussée à consommer de l’alcool et de la majijuana jusqu’à ce qu’elle ne soit plus lucide, et forcée à lui prodiguer une fellation. Elle ajoute que le producteur aurait exercé des pressions sur elle pour l’empêcher de porter plainte.
Une ancienne étudiante évoque quatre agressions sexuelles en 1995 et 1996

April Lampros, porte plainte contre le producteur pour quatre agressions sexuelles supposément commises en 1995 et 1996, alors qu’elle était étudiante en mode. Sean Combs l’aurait selon elle droguée, puis, sous ecstasy, forcée à avoir des rapports sexuels avec la petite amie de l’époque du chanteur. Elle relate également avoir été filmée à son insu.
Un détenu l’accuse de l’avoir violé en 1997

Derrick Lee Cardello-Smith, détenu de 51 ans condamné pour des faits d’agressions sexuelles, accuse Sean Combs de l’avoir violé lors d’une fête à Detroit en 1997 après l’avoir drogué. Il entame une procédure au civil afin de régler l’affaire par un arrangement financier. Sean Combs ne se présentant pas à la cour, il est condamné à lui verser 100 millions de dollars. Ses avocats ont fait appel.
La chanteuse Dawn Richards relate des faits de maltraitance et des attouchements en 2004

Dawn Richards, ancienne chanteuse du groupe Danity Kane, porte plainte contre Sean Combs pour agressions sexuelles, violences et maltraitance. Elle affirme avoir été privée de sommeil et de nourriture lorsqu’elle participait à Making the Band, une émission musicale de téléréalité sur MTV pilotée par le magnat du rap, et avoir été victime d’attouchements de sa part. Elle relate également avoir été témoin de violences conjugales.
Une nouvelle plainte pour viol et soumission chimique en 2001

Une semaine après l’arrestation de la star, une nouvelle femme, Thalia Graves, accuse Sean Combs de l’avoir « violée avec brutalité » en 2001 dans les studios de sa maison de production Bad Boy Records, à New York, avec l’aide d’un complice, un garde du corps du producteur, et sous l’effet d’une substance chimique.
Ces plaintes s’inscrivent dans le cadre de récents dispositifs judiciaires de lutte contre les violences sexuelles adoptés par l’Etat de New York, en particulier l’Adult Survivor Act (« loi sur les adultes survivants »). Entré en vigueur le 24 novembre 2022, il a permis à des victimes de porter plainte pour viol ou agression sexuelle, même pour des faits prescrits, pendant un an.
C’est dans ce cadre que les trois premières plaintes visant Sean Combs ont été déposées. Cette loi est aussi à l’origine d’actions judiciaires visant d’autres célébrités, comme l’acteur Bill Cosby, l’ancien maire de New York Rudy Giuliani ou encore l’ancien président Donald Trump, dans des affaires distinctes.
Un autre dispositif, le Victims of Gender Motivated Violence Protection Law (« loi de protection des victimes de violences de genre »), adopté le 1er mars 2023, a ouvert une fenêtre de deux ans pour porter à la connaissance de la justice des faits éventuellement prescrits. Plusieurs plaintes contre le rappeur ont été déposées dans ce cadre.
Plusieurs proches de Diddy sont directement incriminés dans les plaintes et accusés, d’une manière ou d’une autre, d’avoir participé à des viols collectifs. Parmi eux, son fils Justin Dior Combs, des employés du rappeur, l’acteur Cuba Gooding Jr. et plusieurs dirigeants de l’industrie musicale, comme le président de Bad Boys Records, Harve Pierre, le directeur exécutif d’Universal Music, Lucian Grainge, l’ancien dirigeant de Motown Records, Ethiopia Habtemariam… L’assistante de Sean Combs, Kristina Khorram, est comparée dans une plainte à Ghislaine Maxwell, la femme condamnée pour avoir recruté les jeunes femmes abusées sexuellement par le milliardaire Jeffrey Epstein.
Harve Pierre conteste des « allégations dégoûtantes », tandis que le garde du corps de la star, Joseph Sherman, « nie catégoriquement, un milliard de fois ».
D’autres noms de stars internationales ont été cités pour avoir participé aux gigantesques soirées mondaines organisées par Sean Combs dans les années 1990 et 2000, les white parties (« fêtes blanches », en référence à la tenue vestimentaire exigée). C’est le cas de Leonardo DiCaprio, que des photos d’archive montrent verre de champagne à la main auprès du rappeur, ou du milliardaire Donald Trump, qui ne s’était pas encore lancé en politique.
Le prince William est également cité dans une plainte comme un exemple de célébrité qui aurait apporté à Diddy son prestige et sa légitimité. Ils ne sont pas suspectés d’avoir participé ni d’avoir eu connaissance des viols supposés.
D’autres archives ont suscité l’inquiétude, comme un court documentaire de 2009 intitulé Les Quarante-Huit Heures de Justin Bieber avec Diddy. Le jeune chanteur y est pris sous son aile par un Sean Combs entreprenant, qui lui promet de réaliser « le rêve de ses 15 ans », de faire « des choses folles », qu’il « ne peut pas dévoiler ».
Dans un premier temps, Sean Combs nie intégralement les faits qui lui sont reprochés. Par la voix de ses avocats, il dénonce en novembre 2023 des « accusations montées de toutes pièces » à des fins pécuniaires. Mais il est confronté à une accumulation de témoignages l’incriminant.
Lors d’une spectaculaire intervention en mai, les enquêteurs du Département de la sécurité intérieure des Etats-Unis perquisitionnent deux résidences lui appartenant, à Los Angeles et Miami. Ils y saisissent mille bouteilles de lubrifiant et des « preuves des “freak off” » – surnom des orgies sexuelles qui font l’objet de l’enquête fédérale –, dont de nombreuses caméras.
En mai, CNN publie une séquence filmée par une caméra de sécurité en 2016. Sean Combs, en serviette de bain, y tire à terre sa compagne de l’époque, Cassandra Ventura, dite Cassie, et la frappe à plusieurs reprises. Dans une vidéo, le producteur de musique reconnaît les faits, qualifie son comportement d’« inexcusable ». Depuis, la défense du rappeur insiste sur sa volonté de collaborer avec la justice, et souligne qu’il est revenu à New York de son propre chef pour répondre aux questions de la justice.
Sean Combs a tissé au fil des ans des liens étroits avec les sphères politiques et philanthropiques américaines, particulièrement démocrates. Il s’est engagé en faveur de l’éducation dans des quartiers défavorisés en investissant des sommes importantes dans un réseau d’écoles semi-privées du secondaire, Capital Preparatory Schools. Un partenariat qui a pris fin en 2023. Sean Combs a aussi accordé une donation d’un million de dollars à Howard, prestigieuse université afro-américaine où il a brièvement étudié le commerce. L’université a fait le choix, en juin, de retourner ce don.
Soucieux de la cause noire, Sean Combs a pris position en faveur du président démocrate Joe Biden en 2020. « Les hommes blancs comme [Donald] Trump doivent être bannis. [Sa] manière de penser est dangereuse », affirmait-il alors au micro du podcast « Revolt TV », en annonçant le lancement d’un parti représentant les Noirs américains. Des positions qui valent à l’affaire Combs d’être aujourd’hui instrumentalisée par les pro-Trump pour tenter de salir le camp démocrate. En retour, celui-ci rappelle que le businessman new-yorkais a longtemps fréquenté le rappeur.
Iris Derœux et William Audureau
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